Depuis sa création en 2009, Uber s’est progressivement imposé dans 70 pays et plus de 400 métropoles. La firme californienne revendique même 40 millions d’utilisateurs actifs par mois. Les clefs de son succès sont connues : disruption du monopole des taxis, service numérisé, facilité d’utilisation. Néanmoins, ne vous êtes-vous jamais demandé si votre attrait pour Uber était le fruit de votre libre-arbitre ou si vous étiez plutôt sous l’influence de tactiques marketing particulièrement efficaces ?
Le prix Nobel d’économie Daniel Kahneman, pionnier de la neuroscience, a prouvé que 95% de nos décisions étaient irrationnelles. Sans le savoir, nous sommes chaque jour soumis à de nombreux biais cognitifs. Un biais cognitif est un mécanisme de la pensée qui provoque une déviation du jugement. Notre cerveau interprète notre environnement en le simplifiant, quitte à créer des raccourcis, des préjugés et des catégorisations. Les biais cognitifs modifient notre perception du monde, nous faisant prendre des décisions incohérentes. Comme un nombre croissant d’entreprises dans le monde, Uber a profité de ces biais cognitifs pour construire son succès.
Curieux de savoir comment ? Nous allons découvrir ensemble trois biais cognitifs et leur exploitation très concrètes par Uber. Vous constaterez que ce que vous trouviez naturel avec Uber est en fait la conséquence d’un minutieux travail de personnalisation et d’optimisation.
1. Uber profite habilement de l’effet du prix de référence
L’effet du prix de référence se rapporte à notre façon d’évaluer le juste prix d’un produit ou d’un service en le comparant avec les informations dont nous disposons (prix des concurrents, ou d’anciens produits similaires achetés).
En l’occurrence, une course Uber est assimilée à une course en taxi. Un grand nombre des utilisateurs d’Uber privilégiaient auparavant le métro et le bus, moins coûteux. Uber a changé la donne en proposant des prix jusqu’à deux fois inférieurs à ceux des taxis. Conséquence, l’individu, pourtant rationnel, effectue le raisonnement suivant : « En prenant un Uber, j’économise 50% sur la course d’un taxi. » L’impression, biaisée pour l’individu, est qu’il « gagne de l’argent » en privilégiant un Uber plutôt qu’un taxi. Ce faisant, il oublie de comparer une course Uber à un trajet en bus ou en métro. En plus de siphonner la clientèle des taxis, Uber a habilement utilisé les prix de référence dans notre imaginaire collectif pour amener à lui une clientèle nouvelle, habituée des transports en commun.
2. Uber utilise habilement l’effet d’avoir vs l’effet d’utilisation
L’effet d’avoir vs l’effet d’utilisation décrit la tendance des individus à préférer et à payer plus cher des produits offrant de multiples fonctionnalités, par surévaluation de l’utilisation qu’ils vont en avoir. A ses débuts, Uber se distinguait par des tarifs nettement inférieurs à ceux des taxis et des autres entreprises de VTC. Mais la multiplication des courses, les revendications des chauffeurs et la majoration des tarifs en période de pointe ont progressivement réduit cet avantage.
Parallèlement, Uber multiplie les fonctionnalités pour bénéficier de l’effet d’avoir vs l’effet d’utilisation. Uber est plus onéreux mais cela vous semble justifié : des bouteilles d’eau, des bonbons à la menthe, votre chauffeur se précipitant pour ouvrir votre portière et la musique de votre choix. Pour autant, utilisez-vous fréquemment ces options ?
De plus, d’autres innovations exploitent le biais d’information, qui caractérise notre tendance à chercher toujours plus d’informations afin de consolider notre choix, même si cela s’avère inutile. Ainsi, nous aimons vérifier très régulièrement où est notre chauffeur grâce à la géolocalisation, sans que cela ne le fasse aller plus vite pour autant. Ces fonctionnalités, certes plaisantes, la plupart des individus ne les paieraient pas si elles étaient optionnelles. Paradoxalement, elles pourront vous convaincre de préférer un Uber à un traditionnel taxi.
3. Uber a supprimé la douleur du paiement
Payer réduit le plaisir d’acheter. Cette « douleur de payer » dépend à la fois du mode de paiement et du délai entre la consommation et le paiement. Uber respecte ce principe à la lettre tout en profitant de la dématérialisation des transactions bancaires. Quand un individu effectue un trajet en taxi, voir même en métro, il doit payer immédiatement et effectue l’action du paiement. En prenant un Uber, il ne paye ni avant, ni pendant, ni même à la fin. Mieux, il ne débourse rien. Bien sûr, le service n’est pas gratuit. Mais il ne vous est facturé que quelques heures plus tard. Votre cerveau n’associe pas Uber avec un poste de dépense. Je considère cet avantage comme le plus pertinent dans l’explication du succès d’Uber.
Nous avons levé le voile sur quelques-uns des biais utilisés par Uber pour accroître ses performances. Les biais cognitifs sont des armes commerciales très efficaces car elles sont invisibles pour l’œil inexpérimenté. Ils nous paraissent même naturels. Ils sont à l’origine des nouvelles méthodes et pratiques du marketing. Ma conviction est que l’avenir du marketing réside dans l’exploitation de la neuroscience, de l’optimisation, de la personnalisation pour améliorer toujours plus ses services et les rendre plus attrayants aux yeux de nos clients. Si vous désirez en savoir plus sur la révolution du neuromarketing, je vous invite à parcourir mon blog spécialisé convertize.blog/fr/.